Mûe : Création d’un espace magique et féministe

C’est quoi ce projet ?

Nous nous sommes rencontrées à la jointure de nos divers appétits pour de multiples arts, au bord de notre révolte en plein réveil, à la souche de notre désir d’éclosion et de transmutation dans ce monde qui n’en n’a pas fini d’être patriarcal. 

A travers Mûe nous avons eu l’intuition que nous pouvions tisser de manière singulière et collective des espaces qu’on a voulu nous faire croire antagoniste / séparés : l’artistique, le politique, le poétique, le féminisme, le magique, le somatique.

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Au Planning familial, dire et ne pas dire l’intime 

Appel à contribution de la revue En Marges sur l’intime et le politique relayé par une des militantes du planning familial de la Vienne : cette proposition nous parle directement car l’articulation entre  intime et politique est au cœur de nos valeurs, de nos engagements.  

Se dire, se creuser, se dévoiler. 

« L’intime est relatif, il n’y a pas d’universalité, c’est social, donc politique. » 

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Édito du numéro 7 : Les corps « hors-normes »

Le 21 janvier 2020 avait lieu une journée d’étude organisée par Amélie Téhel et Sophie Barel : « Corps normal, corps idéal ? Enjeux sociopolitiques de la mise en visibilité des corps « hors-normes » ». Entre temps, un partenariat a été noué avec En Marges ! et ce numéro thématique a été conçu. Plusieurs contributions en sont issues, pour lesquelles les auteurs et les autrices ont fait un grand travail de vulgarisation. Il est question d’instabilité résistante, de désir culturel et de lookisme.

Nous avons ensuite lancé un appel à contributions et nous avons été surprises de la quantité de poèmes que nous avons reçus, preuve selon nous d’un besoin certain de prise de parole à cet endroit. Transidentité féminine, non binaire et masculine, fétichisation et grossophobie mêlées, handicap physique ou mental, rapport à soi, les sujets sont divers et passionnants.

Les textes théoriques ne sont pas en reste, avec une analyse d’un roman qui cause transidentité et vampirisme, un auto-entretien sur la surdité et la recherche et une étude de la visibilité des corps considérés comme monstrueux.

Enfin, des œuvres plurielles, mêlant texte et art visuel : corps charnel, modèle vivant et fétichisation du corps racisé.

Chaque année, nous publions deux numéros : celui-ci est thématique, le prochain – à la fin du printemps – ne le sera pas. Vous pouvez d’ores et déjà nous envoyer vos contributions autour de l’intime et du politique.

Quelques mots, enfin, pour vous remercier de votre soutien moral et financier, qui nous est essentiel, dans la mesure où nous sommes bénévoles et où nous nous refusons à accueillir toute publicité. Pour rappel, vous avez désormais la possibilité de faire un don ponctuel ou bien mensuel.

Bonne lecture !

Poison Ivy ou la séduction culturelle

Déviations à partir de représentations corporelles normées

L’enfant1L’image est un portrait de l’auteur enfant, là, dans la cour des grand-parents, baigné dans le parfum des Impatientes2Je remercie Emmanuel Guy pour cette identification florale., à quoi pense-t-il ? De quoi se réjouit-il ? Je le sais, il se dit que tous les signes dont ses vêtements sont le support le transfigurent : Un élastique dans ses cheveux courts et en partie décolorés par la mère produit magiquement une grande chevelure ; Le masque connote le film Batman et Robin, réalisé par Joel Schumacher en 1997 ; Sur le T-shirt, les Spicegirls convoquent et expriment ce que l’enfant perçoit alors comme un pouvoir du féminin dont il est persuadé d’être habité. Enfin, l’élément le plus étrange peut-être : la plante grimpante, arrachée au mur de la maison, et soigneusement tissée à la surface du jean ; cette plante qui colonise le vêtement précise la nature de l’objet visé par le processus d’identification réalisé à travers la composition vestimentaire : Poison Ivy, antagoniste venimeuse et camp3Style ou humour propre aux cultures sexuelles minoritaires, le camp est caractérisé par Sam Bourcier comme “ une manière de faire face à une culture dominante hostile. Mélange d’exagération, de théâtralité, de valorisation de ce qui est habituellement rabaissé, de jeu avec les genres, l’attitude camp se retrouve aussi bien dans les films de John Waters avec Divine que dans les actions d’Act-Up.” (Sexpolitiques, Queer zone 2. La fabrique, 2005,  p. 298), de Batman et Robin, incarnée par Uma Thurman. 

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Laisser rentrer les monstres

Quel grand moment d’émotion lorsque Julia Ducournu a remporté la palme d’Or à Cannes le 17 juillet 2021 pour son film Titane. Il y a eu la puissance du moment, Julia Ducournu étant la deuxième femme réalisatrice à obtenir une Palme d’or après Jane Campion en 1993 pour La leçon de piano et il y a eu la puissance des mots. Julia Ducournu a ainsi revendiqué dans un discours fort la monstruosité : « La perfection ce n’est pas que c’est une chimère, c’est que c’est une impasse. C’est une impasse. La monstruosité, qui fait peur à certains et qui traverse mon travail, c’est une arme et une force pour repousser les murs de la normativité qui nous enferment et nous séparent ». En entendant ce mot « monstrueux », j’ai tout de suite pensé à l’ouvrage de Paul B. Preciado sorti en 2020 Je suis un monstre qui vous parle aux Editions Grasset et qui évoque notamment la transidentité et la transexualité. Deux fois que la figure du monstre est publiquement convoquée, mais avec quels enjeux ? À quelles fins ? Le monstre est la figure qui se construit en contre-point d’un stéréotype hégémonique incarné dans un corps normé : blanc, mince, jeune, sans handicap… Convoquer le monstre, le faire sortir de nos cauchemars c’est convoquer la possibilité d’une pluralité, c’est revendiquer le droit à la visibilisation et à la non discrimination, c’est rendre visible l’invisible à des fins politiques.

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Le corps sans nom

J’ai la nausée de mon corps : les poils sur mes mamelons, le bourrelet sous l’élastique de mes shorts, la molle blondeur de ma peau, les flaques de mes cuisses écrasées sur les chaises. Je demande plus, plus de disparition. 

D’un jour à l’autre, d’une heure à l’autre, je parcours des distances exténuantes entre dysphories et euphories. Mon corps change d’une façon incontrôlable, s’amenuise enfin, et cette perte de poids m’oblige à me rendre compte que je n’accepte pas plus mon corps mince que mon corps gros. Certains jours, je sens mes os, la chaleur et la douceur de ma peau. Je sens l’extérieur depuis l’intérieur et j’ai peur.

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Hors-norme

Ton corps 

d’homme mal normé
d’un mauvais chromosome 

lancé sur la roulette 

où ta tête 

s’est arrêtée
roule encore 

coincée dans cette case 21,

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Douche froide pour Octavia

Pourquoi Victor ne répondait-il pas ? 

Octavia faisait couler l’eau de la douche. Elle espérait que cela lui permettrait de calmer ses nerfs en ébullition. Le verre de vin n’avait fait aucun effet. Ce n’était pas le genre de Victor de la faire attendre de cette façon. Juste un texto rapide en retour pour la rassurer lui conviendrait parfaitement. Pas d’extravagances, juste quelques mots apaisants. 

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Mutilé, corps en cliché

L’horloge étanche chaque fracture de nos corps,

Sa tempête méprise le cadrage et le passage à une poupée sage :

tel un brouillon qui se déracine de ses membres postérieurs

pour se balader hors des pages et de la commune beauté 

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Amputer la langue

Amputer la langue. Ma phrase commencerait comme ça. Amputer la langue. Quand je dis langue, je dis Langue avec un grand L. La grande, la vraie, celle de tous les jours. La langue qu’on utilise, qu’on use à coups de mâchoires et de salive. La Langue de nos grands-mères et de nos grands-pères. Celle à qui l’on échappe en serrant les dents. Celle qui peut tout dire en un mot un seul. 

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