Pour redonner à la poésie ses lettres de résistance

J’ai commencé à m’intéresser à la poésie parce que j’adorais – et j’adore toujours – le rap. J’en faisais des explications de texte en cours quand je m’ennuyais. Alors lorsqu’il a fallu me spécialiser dans mes études littéraires, je me suis naturellement dirigée vers la poésie, un art dans lequel je suis entrée par le rap et donc par la politique. Souvent, l’on associe la poésie à la poésie amoureuse, ou encore à un art peu compréhensible et opaque. Les poétesses n’existent pas : les femmes ne sont que les muses des poètes, qui écrivent combien ils veulent les baiser, ou comment ils les ont violées. En vérité, les femmes ont écrit et écrivent de la poésie. Et je crois qu’appréhender la poésie depuis leurs textes permettrait de mieux comprendre le rôle ou tout du moins la place de la poésie dans nos sociétés. Par-delà la nécessité de décentrer les corpus masculins des rayons de la poésie, j’avoue défendre une vision ouvertement politisée de la poésie et plus généralement une littérature connectée à la réalité, aux enjeux et aux défis auxquels nous faisons face. Mais cette poésie est-elle capable d’apporter des changements ? Ou est-elle un art de salon, pour les intellectuel.les de gauche ? J’aimerais tenter de répondre à ces questions, peut-être pour redorer le blason de la poésie, la descendre de son piédestal, la sortir de son Gallimard à reliures.

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Nécessaires utopies

J’apprends ce matin en allumant la radio que, depuis 1970, près de 70 % des populations d’animaux vertébrés ont disparu de la surface de la Terre. Une « nouvelle » de plus à ajouter sur la liste des bonnes raisons de penser que le futur n’a malheureusement rien de désirable. Et si je me tourne vers mon nombril, pas de quoi se réjouir non plus. J’arrive en effet à un âge où le « futur » radote et grisonne plus qu’il ne chante et irradie ! Réjouissantes perspectives.

Et pourtant.

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Mutilé, corps en cliché

L’horloge étanche chaque fracture de nos corps,

Sa tempête méprise le cadrage et le passage à une poupée sage :

tel un brouillon qui se déracine de ses membres postérieurs

pour se balader hors des pages et de la commune beauté 

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Pour une lecture d’Ana Mendieta en sorcière queer et écoféministe

Ana Mendieta est une artiste cubano-américaine née en 1948 à La Havane et morte en 1985 à New York. Le Jeu de Paume présentait jusqu’au 27 janvier 2019 l’exposition imaginée par Lynn Lukas et Howard Oransky : « Ana Mendieta. Le temps et l’histoire me recouvrent », offrant ainsi l’opportunité de (re)découvrir le travail puissant et indéniablement moderne de l’artiste.

Performeuse, vidéaste, sculptrice, peintre, photographe, land-artiste, artiste corporelle, Mendieta jouait avec les genres, les courants et les médias artistiques, utilisant tous les moyens de création qu’elle rencontrait. Son œuvre plurielle, inclassable, hybride, peut être vue comme le reflet ou le prolongement de sa propre identité marginalisée, à l’intersection de différentes discriminations. Lire la suite

Enculé ! Injure et pratique sexuelle. Mais qui est insulté·e ?

D’après la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, « enculé » désigne à la fois la pratique sexuelle (personne recevant la sodomie — et plus particulièrement la personne homosexuelle) et l’injure désignant une personne méprisable, mauvaise. Lire la suite

Etre une femme sous la Révolution culturelle chinoise

  • Bonjour Camille-Victoire, est-ce que tu pourrais nous parler un peu de toi, pour commencer ? 

J’ai très tôt eu un lien avec l’Asie et plus particulièrement avec la Chine. Mon premier intérêt a été celui, tout bête, pour une culture qui différait complètement de la mienne mais que je ne voulais pas réduire à un simple exotisme. J’ai commencé à apprendre la langue chinoise au collège, puis j’ai fait une année en école préparatoire de lettres à Brest suivie d’une double-licence LCER chinois et histoire ainsi qu’un Master d’Études Chinoises à l’Université Rennes 2. En 2016, j’ai entamé une thèse à l’Université de l’INALCO à Paris, sous la direction de Mme Xiao-Hong Xiao-Planes et de M. Jin Guangyao (Université de Fudan, Shanghai). Lire la suite

De la comtesse de Ségur à Mantes-la-Jolie : pour une histoire de l’humiliation des jeunes

En décembre dernier, une vidéo montrant plusieurs dizaines d’adolescents à genoux, mains sur la tête, encadrés par des policiers a fait le tour du monde. Interpellés devant un lycée de Mantes-la-Jolie pour « participation à un mouvement armé » suite à une grève scolaire, ils ont passé plusieurs heures à genoux, puis assis. Lire la suite

Une histoire orale navajo féministe ? La séparation des sexes

Enceinte à 37 ans, j’ai décidé de profiter du calme tout relatif offert par le congé maternité pour mener à bien un projet éditorial qui me tenait à cœur : écrire un ouvrage qui familiariserait les petits lecteurs avec la spiritualité navajo. Comment susciter l’intérêt chez les plus jeunes pour une culture souvent réduite aux clichés associés aux Indiens des Plaines mis en scène dans les westerns et films d’animation nord-américains (qu’on songe ainsi à la séquence chantée What makes the Red Man Red ? du Peter Pan sorti en salles en 1953) ? En Europe, ces représentations stéréotypées ont perduré grâce au succès des personnages de bandes-dessinées tels que Oumpah Pah créée par René Goscinny et Albert Uderzo, Yakari (André Jobin, Claude de Ribaupierre) ou plus près de nous, Bison Dodu, de la série Les Papooses publiée de 2004 à 2015 chez Casterman. Lire la suite

Émotions et intersectionnalité : Au corps et au cœur des luttes – Julien Quesne

I have…striven faithfully to give a true and just account of my own life in Slavery…to come to you just as I am a poor Slave Mother—not to tell you what I have heard but what I have seen— and what I have suffered.
– Harriet Jacobs (1861/1987, p. 242)

Ces mots d’Harriet Jacobs ne trompent pas, ils témoignent de sa propre souffrance, celle éprouvée et éprouvante d’une mère, d’une femme noire réduite en esclavage et qui révèle avec force, à partir de ce fragment de mémoire, l’histoire d’un vécu qu’elle ne tient que d’elle-même. Lire la suite

Appel à contributions

Note d’intention

Cette revue appartient aux freaks, aux perver·se·s, aux fainéant·e·s et aux cyniques, aux extrêmes de toute la gauche, aux sorcières, aux malandrin·e·s, à ceux qui se prennent la tête et qui veulent changer le monde.

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