Nécessaires utopies

J’apprends ce matin en allumant la radio que, depuis 1970, près de 70 % des populations d’animaux vertébrés ont disparu de la surface de la Terre. Une « nouvelle » de plus à ajouter sur la liste des bonnes raisons de penser que le futur n’a malheureusement rien de désirable. Et si je me tourne vers mon nombril, pas de quoi se réjouir non plus. J’arrive en effet à un âge où le « futur » radote et grisonne plus qu’il ne chante et irradie ! Réjouissantes perspectives.

Et pourtant.

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Mûe : Création d’un espace magique et féministe

C’est quoi ce projet ?

Nous nous sommes rencontrées à la jointure de nos divers appétits pour de multiples arts, au bord de notre révolte en plein réveil, à la souche de notre désir d’éclosion et de transmutation dans ce monde qui n’en n’a pas fini d’être patriarcal. 

A travers Mûe nous avons eu l’intuition que nous pouvions tisser de manière singulière et collective des espaces qu’on a voulu nous faire croire antagoniste / séparés : l’artistique, le politique, le poétique, le féminisme, le magique, le somatique.

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La profession de serveuse ou l’histoire d’un métier invisible

Les serveuses font partie de ce que l’on appelle les « cols roses » (qui diffèrent des « cols blancs » et des « cols bleus). Ruth Milkman les définit comme un type de travail spécifique aux femmes « mal rémunéré, peu prestigieux et offrant peu de perspectives d’avancement » 1Milkman ; 2014. Le travail invisible ou invisible labor peut être défini comme effectué sans que personne ne s’en rende compte : il n’est pas perçu pour lui-même, la seule chose tangible en est le résultat. Ce travail invisible est souvent genré et, est majoritairement féminin. Celui-ci concerne au départ les tâches domestiques effectuées par les femmes à l’intérieur des foyers. Cependant, il prend aujourd’hui de nouveaux visages. Entrent dans cette catégorie les aides à domicile, les étudiants non rémunérés lors de stage etc…

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21 grammes

Tu ne peux ceindre mon cœur si tu ne peux encercler mes hanches
Trop de chair (dis-tu) trop de plis pour flotter
entre toi et le septième ciel

Je pourrais offrir à ta bouche son juste morceau
pas plus cela pourrait faire peur
Ton œil plus gros que mon ventre
n’en viendrait pas à bout
n’en ferait pas le tour
ne gagnerait le dos qu’avec un minimum
d’ardeur et de bonnes intentions

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Tenue correcte exigée

LOOKISME ET EMPLOI, UN CAS AUTOBIOGRAPHIQUE

J’ai ce qu’on appelle un look excentrique, que d’aucun·e·s qualifient aussi d’original ou d’atypique. Par « look », j’entends à la fois l’apparence du corps (sa morphologie), mais aussi la façon de le mettre en valeur, que ce soit par le biais du vêtement, du maquillage, de la coiffure, ou encore des modifications corporelles (piercings, tatouages, chirurgies esthétiques, etc.). Corps massivement tatoué — visage compris — et percé, cheveux de couleur vive, garde-robe exclusivement rose : pas de doute, j’incarne une certaine excentricité, c’est à dire un écart à des normes en vigueur dans certains contextes. Un écart qui se fait particulièrement ressentir dans le monde du travail — qu’il s’agisse de celui de l’art, de la culture, de la santé, et même de l’université —, où mon apparence a souvent fait l’objet de réticences, voire de rejet de la part d’employeur·se·s craignant pour l’image de leur structure ou évaluant mes compétences à l’aune de ce look atypique. L’excentricité physique étant une caractéristique de l’adolescence, manifestant le besoin de se démarquer, de se construire comme individu·e1David Le Breton, 2002. Signes d’identité. Paris, Métailié, p. 21., c’est souvent ainsi qu’elle continue d’être perçue chez les adultes, renvoyant à un manque de maturité ou à un désir tenace de confrontation avec l’ordre, malvenus dans le monde du travail.

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Silence noir

Des fragments de rouges,
des morceaux de chair,
des bouts de vie,
des parcelles de corps.

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Poison Ivy ou la séduction culturelle

Déviations à partir de représentations corporelles normées

L’enfant1L’image est un portrait de l’auteur enfant, là, dans la cour des grand-parents, baigné dans le parfum des Impatientes2Je remercie Emmanuel Guy pour cette identification florale., à quoi pense-t-il ? De quoi se réjouit-il ? Je le sais, il se dit que tous les signes dont ses vêtements sont le support le transfigurent : Un élastique dans ses cheveux courts et en partie décolorés par la mère produit magiquement une grande chevelure ; Le masque connote le film Batman et Robin, réalisé par Joel Schumacher en 1997 ; Sur le T-shirt, les Spicegirls convoquent et expriment ce que l’enfant perçoit alors comme un pouvoir du féminin dont il est persuadé d’être habité. Enfin, l’élément le plus étrange peut-être : la plante grimpante, arrachée au mur de la maison, et soigneusement tissée à la surface du jean ; cette plante qui colonise le vêtement précise la nature de l’objet visé par le processus d’identification réalisé à travers la composition vestimentaire : Poison Ivy, antagoniste venimeuse et camp3Style ou humour propre aux cultures sexuelles minoritaires, le camp est caractérisé par Sam Bourcier comme “ une manière de faire face à une culture dominante hostile. Mélange d’exagération, de théâtralité, de valorisation de ce qui est habituellement rabaissé, de jeu avec les genres, l’attitude camp se retrouve aussi bien dans les films de John Waters avec Divine que dans les actions d’Act-Up.” (Sexpolitiques, Queer zone 2. La fabrique, 2005,  p. 298), de Batman et Robin, incarnée par Uma Thurman. 

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Laisser rentrer les monstres

Quel grand moment d’émotion lorsque Julia Ducournu a remporté la palme d’Or à Cannes le 17 juillet 2021 pour son film Titane. Il y a eu la puissance du moment, Julia Ducournu étant la deuxième femme réalisatrice à obtenir une Palme d’or après Jane Campion en 1993 pour La leçon de piano et il y a eu la puissance des mots. Julia Ducournu a ainsi revendiqué dans un discours fort la monstruosité : « La perfection ce n’est pas que c’est une chimère, c’est que c’est une impasse. C’est une impasse. La monstruosité, qui fait peur à certains et qui traverse mon travail, c’est une arme et une force pour repousser les murs de la normativité qui nous enferment et nous séparent ». En entendant ce mot « monstrueux », j’ai tout de suite pensé à l’ouvrage de Paul B. Preciado sorti en 2020 Je suis un monstre qui vous parle aux Editions Grasset et qui évoque notamment la transidentité et la transexualité. Deux fois que la figure du monstre est publiquement convoquée, mais avec quels enjeux ? À quelles fins ? Le monstre est la figure qui se construit en contre-point d’un stéréotype hégémonique incarné dans un corps normé : blanc, mince, jeune, sans handicap… Convoquer le monstre, le faire sortir de nos cauchemars c’est convoquer la possibilité d’une pluralité, c’est revendiquer le droit à la visibilisation et à la non discrimination, c’est rendre visible l’invisible à des fins politiques.

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Le corps sans nom

J’ai la nausée de mon corps : les poils sur mes mamelons, le bourrelet sous l’élastique de mes shorts, la molle blondeur de ma peau, les flaques de mes cuisses écrasées sur les chaises. Je demande plus, plus de disparition. 

D’un jour à l’autre, d’une heure à l’autre, je parcours des distances exténuantes entre dysphories et euphories. Mon corps change d’une façon incontrôlable, s’amenuise enfin, et cette perte de poids m’oblige à me rendre compte que je n’accepte pas plus mon corps mince que mon corps gros. Certains jours, je sens mes os, la chaleur et la douceur de ma peau. Je sens l’extérieur depuis l’intérieur et j’ai peur.

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Douche froide pour Octavia

Pourquoi Victor ne répondait-il pas ? 

Octavia faisait couler l’eau de la douche. Elle espérait que cela lui permettrait de calmer ses nerfs en ébullition. Le verre de vin n’avait fait aucun effet. Ce n’était pas le genre de Victor de la faire attendre de cette façon. Juste un texto rapide en retour pour la rassurer lui conviendrait parfaitement. Pas d’extravagances, juste quelques mots apaisants. 

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