Édito du numéro 3 : Maternités, ̶m̶a̶t̶e̶r̶n̶i̶t̶é̶s̶

Maternités désirées, subies, absentes, refusées, regrettées, plurielles, opprimées… Ce semestre, En Marges ! s’empare de la question et vous offre notre tout premier numéro thématique.

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La maternité, cet OFNI (Objet Féministe Non Identifié)

En France1L’expression OFNI est d’Yvonne KNIBIEHLER. In KNIBIEHLER, Yvonne, ARENA, Francesca, CID LÓPEZ, Rosa Maria (dir.): La maternité à l’épreuve du genre: Métamorphoses et permanences de la maternité dans l’aire méditerranéenne. Rennes: Presses de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, 2012., la norme procréative devient plus pressante2DEBEST, Charlotte, 2014, Le choix d’une vie sans enfant, Presses Universitaires de Rennes. à mesure que la réalité s’emploie à la désavouer. Dans cette maternité construite comme socialement désirable, Madame accouche, avant ses 40 ans, d’un garçon et d’une fille (« le choix du Roi »3Un fils assure la succession sur le trône, donc la longévité du pouvoir, tandis que le mariage d’une fille permet, en nouant des alliances, de renforcer sa puissance.), dans un couple stable, où Monsieur, qui a engendrés les bambins, contribue largement à doter le ménage de ressources suffisantes. Or les maternités contemporaines sortent très largement de ce cadre ! Les critères d’âge, de stabilité conjugale et de ressources sont challengés par le contexte socio- économique. Et les formes de maternités se multiplient : monoparentalité, belle- parentalité, homoparentalité, AMP sans don, don d’ovocyte, double don, GPA, adoption…Dans le même temps, les femmes nullipares4Nullipare : sans enfant., par choix (childfree) ou en situation d’infertilité (childless), gagnent en visibilité. 

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La Maternité optionnelle : de la reconnaissance d’une identité

Etats-Unis, 1972. L’association à but non lucratif NON, National Organization for Non-Parents (Association Nationale pour les Non-Parents), est créée dans le but d’éduquer le public sur la parentalité optionnelle en tant qu’option de style de vie valide, soutenir ceux qui décident de ne pas avoir d’enfants et promouvoir la conscience du problème de la surpopulation. Par refus du sigle NON, l’association devient plus tard NAOP, National Alliance for Optional Parenthood (Alliance Nationale pour la Parentalité Optionnelle) et résiste jusqu’à 1982. Financé par de grandes fondations, on la décrit comme une association qui encourageait les jeunes à prendre des décisions réfléchies et responsables en ce qui concerne la parentalité, voulant diminuer l’impact des pressions sociales qui lient la parentalité au succès ou la maturité. 

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Récits de soi à la télévision : témoignages intimes de « filles-mères » dans les années 1960 et 1970

Pour beaucoup, elles ont longtemps illustré celles que l’on appelait couramment « les mauvaises filles » pour reprendre le titre de l’ouvrage de Véronique Blanchard et David Niget, Mauvaises filles : incorrigibles et rebelles1 Véronique Blanchard, David Niget, Mauvaises filles : incorrigibles et rebelles, Paris, Editions Textuel, 2016, p.191

Les jeunes mères célibataires, autrement dit les « filles-mères » représentaient pour la société française les coupables idéales qui devaient affronter, seules, le poids de « la faute », celle d’avoir couché avant le mariage. Dans les années 1960 et 1970, ce sujet restait un tabou, on ne souhaitait pas se marier avec une fille-mère, que l’on préférait ignorer et éviter. Isolées et rejetées par leur entourage, elles ont pourtant accepté de se confier à la télévision au sein d’émissions-documentaires questionnant leurs parcours, leurs regrets et leurs espoirs. 

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Violenter les ventres

Originaire d’Amérique latine, l’expression de violence obstétricale désigne une forme spécifique de violence envers les femmes1 Roberto Castro, Joaquina Erviti, « 25 años de investigación sobre violencia obstétrica en México », Revista CONAMED, vol. 19, n. 1, janv.-mars 2014, p. 37-42, ISSN 1405-6704 ; Rodrigo da Silva Maia, Tereza Cristina Santos de Araújo, Eulália Maria Chaves Maia, « Violência Obstétrica: Apontamentos da Produção Científica », Saúde e Sociedade, Université de São Paulo, 2017, 2(3), p. 576-590 ; Silvia Bellón Sánchez, « La violencia obstétrica desde los aportes de la crítica feminista y la biopolítica », DILEMATA, Madrid, 7/18, 2015, p. 93-111, ISSN 1989-7022; « “Obstetric Violence and the Law”: British Academy Postdoctoral Research Fellow Camilla Pickles », 30 janv. 2017, URL: https://www.law.ox.ac.uk/centres-institutes/centre-criminology/blog/2017/01/obstetric-violence-and-law-british-academy (consulté le 31/05/19). . Elle consiste dans un traitement non respectueux de la liberté et de la dignité des femmes, de la part du personnel de santé. Elle entraîne des conséquences physiques ou psychologiques plus ou moins traumatiques et pérennes. Elle peut s’exercer durant le suivi de la grossesse, l’accouchement et le postpartum. Cette violence prend différentes formes : moqueries, réprimandes, insultes, menaces, ironies, manipulation ou limitation de l’information, humiliations, refus de certains traitements, abus de la médicalisation voire des actions violentes comme l’expression abdominale (pression sur le ventre pour aider à l’expulsion du fœtus). Nombre de ces actions sont normalisées dans les sociétés occidentales de tradition chrétienne où demeure l’idée que toute femme accouche nécessairement dans la souffrance. Ainsi, la notion de violence obstétricale est très large et elle doit être définie toujours par rapport à la femme en couches. La violence commence à partir du moment où celle-ci n’est pas écoutée, informée et consultée pour les actes qui vont être exercés sur son corps. Les femmes enceintes ne sont certes pas des médecins mais elles sont les plus à même d’évaluer leurs propres besoins et les risques qu’elles encourent pour elles-mêmes et leurs bébés. Or, comme le montrent plusieurs groupes et pages internet, elles sont très nombreuses à subir ces actes de violence durant la période périnatale. 

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Ma mère, cette femme

En tant que filles nous avons besoin de mères qui veuillent leur propre liberté et la nôtre. Nous ne devons être vassales ni du refus de soi, ni de la frustration d’une autre femme. La qualité de la vie de la mère – qu’elle soit fortifiée ou sans défense – est le legs majeur qu’elle puisse faire à sa fille ; car une femme qui peut croire en elle-même, qui est une combattante et qui continue à lutter pour la création, autour d’elle, d’un espace vivable, démontre à sa fille que ces possibilités existent.  1 Adrienne Rich, , Naître d’une femme  – La maternité en tant qu’expérience et institution, Denoël – Gonthier, 1980, p 245.                

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Présentation du festival à venir « Very Bad Mother »

Et si avoir des enfants était aussi subversif que de ne pas en avoir ? 

« Mauvaise mère », c’est un regard social culpabilisant multifacettes : le mother shaming. Ce jugement négatif s’applique aussi à celleux qui n’ont pas de gosses. On va tenter de comprendre ce que ça recouvre pendant le festival Very Bad Mother en avril 2020 à Concarneau.

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Se préparer à devenir mère : binge-watcher la série britannique Absolutely Fabulous

Lorsqu’elles déboulent pour la première fois sur le petit écran britannique le 12 novembre 1992, Patsy et Edina, le duo comique de la série TV Absolutely Fabulous diffusée initialement par BBC Two (puis en France par Canal plus, Canal Jimmy et Arte), tranchent avec les héroïnes de sitcom auxquelles les spectateurs étaient jusque-là habitués. Mues par leurs seuls instincts et plaisirs, ces femmes d’une quarantaine d’années boivent, fument, jurent, draguent, baisent, se droguent aussi parfois, en ressassant avec nostalgie l’époque libertaire révolue des Swinging Sixties. Créée par un duo, là aussi exclusivement féminin, formé par Jennifer Saunders et Dawn French, la série met en scène les tribulations professionnelles et les dynamiques familiales d’Edina, qui, assistée de sa meilleure amie Patsy, tente de se faire un nom comme chargée de relations publiques dans le milieu du showbiz et de la mode. Si elles réaffirment la liberté des femmes à disposer de leur existence (et de leurs corps) comme bon leur semble, les quadras d’Absolutely Fabulous témoignent aussi, via un registre parodique, de la persistance (ou de la réapparition sous de nouvelles formes plus branchées) d’angoisses typiquement féminines – surinvestissement de la sphère familiale, conformité aux canons de beauté, recherche frénétique d’un partenaire masculin – nourries et renforcées par des siècles de domination patriarcale. 

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« Naître » Mythologie personnelle d’une artiste-chercheuse, enfant trop curieuse.

Quand j’étais petite fille, j’éprouvais une curiosité toute particulière pour un livre qui trônait dans la bibliothèque familiale, et qui m’était bien évidemment interdit, « Naître ». Cet ouvrage de Lars Hamberger et Nilsson Lennart avait pour ambition à l’époque de sa publication ( 1990 ) d’offrir une lecture scientifique mais vulgarisée de la grossesse, de la conception à l’accouchement. Il est illustré de nombreuses photographies allant des fœtus in utero au post-partum. 

Très jeune, bien avant l’âge de 10 ans, et avant de réellement savoir « comment on fait les bébés », j’ai été confrontée à ces images de femmes en plein d’accouchement, mais surtout à leurs vulves. Des vulves ouvertes et rougies, d’où émergeaient des crânes déformés de nouveaux-nés. Ces images ont été la première vision que j’ai eu d’une vulve. À force de compulser « Naître », toujours en cachette mais avec un accord maternel tacite voir encouragé, je me suis conditionnée à voir la vulve, non pas comme le lieu du sexuel, mais comme le lieu de l’accouchement. 

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La nourrice néfaste, une figure de l’allaitement mercenaire sous Louis XVI

Le  règne de Louis XVI aurait été celui du triomphe de l’allaitement maternel. Selon les Mémoires de Félicité de Genlis, il s’agissait d’une mode devenue générale à la fin du siècle1 Félicité de Genlis, Mémoires inédits de Madame la comtesse de Genlis, Paris, 1825, t. X,  p. 254 . Dans les faits, Charles Kunstler l’avait déjà souligné2 Charles Kunstler, La Vie quotidienne sous Louis XVI, Paris, Hachette, 1950, p. 287-288. , cet engouement relève surtout du mythe et rares furent les femmes qui suivirent cet exemple. La France a continué à cultiver son exception et à refuser largement l’allaitement maternel pour lui préférer le recours à un réseau de nourrices toujours mieux organisé et de plus en plus patronné par l’Etat. 

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