Mutilé, corps en cliché

L’horloge étanche chaque fracture de nos corps,

Sa tempête méprise le cadrage et le passage à une poupée sage :

tel un brouillon qui se déracine de ses membres postérieurs

pour se balader hors des pages et de la commune beauté 

pour accoucher des conseils révoltés contre la complicité 

un peu tard, ils assument de vieillir dans le mépris

ils assument de guérir après tout vomir à côté du lit 

libres dans leurs fibres pour vibrer avec les grillons et sauterelles

il crache la vérité… toutes les quatre vérités qui choquent

les traits qui déplaisent, manquent dont on se moque 

et pointe de doigt le sourire moqueur,

 sculpteur de neurones fous et absents.

***

Ta chair fusillée, trouée, brisée, intimidée puis tatouée 

Ton genou amputé au-dessous, caché sous le tissu

 puis appareillé 

grandissent comme les bandits cambriolant les trajets

terrifiant les étoiles, les aurores et les météores

battant les records de leur sort par un double effort 

même au bord d’un port ou dans un sport

***

Fais-moi une faveur s’il te plait !

Affiche-moi ce regard baroque et extravagant

Rappelle-moi l’insignifiant et l’effrayant

je veux bien m’inquiéter, 

je veux bien m’incliner et tout quitter 

je veux bien m’inspirer de ta laideur indisciplinée

***

Sur ton dos ainsi que sur ton front :

Des tatouages bizarres, des ailes poussées dans un désert

rouage et plumage : révélateurs d’un fardeau,

des coups de couteau partout

chercheurs d’une impasse dans la folie des os

ou d’une verticale irrégulière dans le gros ventre 

mutilés de tension, semés par l’horreur des guerres

pour sucer jusqu’à la moelle ton tout petit-bonheur

***

corps complet, corps mutilé : 

telle une sacrée course vers l’humanité sans pieds.

8 thoughts on “Mutilé, corps en cliché

  1. Un poème sublime.
    Je l’ai lu plus d’une fois et a chaque fois inspire en moi admiration, inquiétude, colère, compassion et rebellion.
    Ce poème est un chef d’oeuvre inclassable du nouveau genre.
    La force, l’intensité, la dignité, l’honneur, la rébellion, le pardon, la tolérance, la dénonciation et l’espoir . Tout est dit.
    Pour que nul n’oublie.
    La guerre quelque soit sa cause ou sa raison, elle est source de malheur.
    Rachid

    1. quel talent!!! un poème offrant un frisson ,perturbe et nous rend forts à la fois.Le corps est devenu une langue traduisant l intraduisable.un poème retrace l enchevetrement des genres….inedi…merci Hanèn pr cette beauté si fragile.

  2. Un tourbillon de sensations contradictoires nous envahissent à la lecture de ce texte. Je retrouve ici ce que je cherche dans un texte poétique ; me secouer. Bravo à la poétesse pour cette inspiration unique.

  3. Émouvant et fort poignant !
    « Une course vers l’humanité sans pieds », cette phrase me rappelle la morale du roman « le colloque des bustes ».
    Très beau texte de/a la marge qui donne à voir la langue des corps !

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