Présentation du festival à venir « Very Bad Mother »

Et si avoir des enfants était aussi subversif que de ne pas en avoir ? 

« Mauvaise mère », c’est un regard social culpabilisant multifacettes : le mother shaming. Ce jugement négatif s’applique aussi à celleux qui n’ont pas de gosses. On va tenter de comprendre ce que ça recouvre pendant le festival Very Bad Mother en avril 2020 à Concarneau.

Je suis devenue mère à 20 ans, à base d’amour et d’inconscience total, en plein syndicalisme étudiant et découverte de la vie d’adulte. On a connu les regards désapprobateurs : trop jeunes, accoucher à la maison, pfff, dormir à la fac avec le bébé pendant les occupations, l’emmener partout avec nous, dans notre vie festive, dans nos divers militantismes…

J’ai été perméable à ces jugements négatifs : tant que les critiques venaient de l’extérieur, pas de problème. Mais il y a 2 ans, (15 ans plus tard,) j’ai été accusée publiquement d’être une mauvaise mère par une camarade féministe.

Trauma. Sur quoi se base-t elle pour sortir des horreurs pareilles ? Comment un jugement pareil peut-il exister au sein même d’un collectif prônant la sororité et la défense des droits des femmes ?

Mes enfants ont des ailes, ils sont bien armés j’espère pour faire face au monde. Le bébé sud Étudiant vient de passer son Bac S à 16 ans, et entame avec passion une fac de physique. La petite, 11 ans, sacrée tête de mule, est une vraie étincelle de vie et de rigolade. 

J’ai conscience d’être une mère non conventionnelle dans le sens où il n’a jamais été question de mettre ma propre vie entre parenthèses pour élever mes gamins. J’ai continué à travailler beaucoup, militer beaucoup, sortir beaucoup et avoir beaucoup d’histoires d’amour.

Avant de parler du festival en création – Very Bad Mother -, un tout petit focus sur les mères célibataires.

Les familles monoparentales représentent désormais un foyer sur cinq selon l’Insee, contre un sur dix il y a une trentaine d’années. Dans 85 % des cas, le parent solo est une femme. Voilà pour le tableau clinique. 

Côté symptômes, la crise des gilets jaunes a permis de faire émerger dans le débat public les maux dont souffrent nombre de ces foyers, que résument bien les statistiques : 34,9 % des familles monoparentales disposaient en 2015 de revenus inférieurs au seuil de pauvreté (moins de 1 334 euros pour une femme avec un enfant de moins de 14 ans), contre 11,8 % des personnes vivant en couple selon l’Insee. Soit 2 millions de personnes contraintes de se serrer la ceinture, de sauter parfois des repas ou de renoncer à se chauffer.

Les mères célibataires font face à une énorme et continue charge mentale : les repas, les courses, les comptes, le ménage, les lessives, les rendez vous médicaux, les paperasses, l’école, les devoirs, les horaires, les activités extra scolaire, les maladies, Les câlins, les chagrins, etc… la jongle constante avec les plannings et la logistique, les problèmes de thunes…

Essayer de transmettre du mieux qu’elles le peuvent à leurs gosses les valeurs féministes, antiracistes, anti-consommation and co dans ce monde capitaliste de merde, leur donner confiance en eux et en l’humain, transmettre les valeurs de la lutte et des arts…. Vaste programme !

Et ce putain de regard toujours culpabilisant de la société. Trop maternantes ou pas assez, trop laxistes ou trop rigides, trop présentes ou trop absentes, trop sérieuses ou trop folles… Mauvaises mères quoiqu’elles fassent…

Parlons de la part congrue de temps qu’il reste pour bosser, militer, se cultiver, faire la fête…. 

Parlons du fait d’ être obligées d’inclure les amour-euses dans le tableau. De supporter le jugement social, le mother shaming, qui en découle :  La mère ou la putain, mais pas les deux.

Et avec le sourire s’il vous plait, sans péter les plombs. Sans possibilité de dire « stop, j’arrête, c’est trop… » 

Pas question de se poser 3 soirs tranquille sur son canapé après le boulot cette semaine parce qu’on a chopé la crève ou glandouiller dans son lit sans culpabiliser après une teuf. JAMAIS. 

Il y a un truc qu’on sait, celles qui vivons ça, que les autres ignorent. Sur la préciosité du temps libre, sur le courage à avoir pour affronter tout ça. 

Une fois passé le choc émotionnel dû à la diffamation dont j’ai été victime, j’ai commencé à conscientiser l’ampleur du problème. Les injonctions à être mère puis les critères sociaux définissant la bonne maternité sont vraiment entrés dans tous les esprits, même ceux de gauche, éduqués, soi-disant luttant pour les droits des femmes.

Il est à nouveau temps de lier l’intime et le politique, de réfléchir collectivement aux parentalités, de détricoter tout ce bordel à l’aune de nos précarités, couleurs de peaux, genres multiples, identités, et orientations sexuelles… De réinventer ensemble une manière plus acceptable d’élever les enfants, de co-créer un éducation heureuse.

Le féminisme, du moins en France, s’est jusqu’à présent plutôt attaché à la défense des non-mères. Ne pas vouloir ou avoir d’enfant était hautement subversif, la libération de la femme passant par la non maternité. Cette position n’est pas suffisante. Elle laisse les millions de mamans sur le côté, niant les réalités et galères auxquelles celles ci font face.

Le prochain festival Very Bad Mother est lancé dans l’enthousiasme par les camarades de pirateries féministes bretonnes. La thématique traverse chacune et résonne fort en nous toutes. Mères ou non. 

Il aura lieu en Sud Finistère les 11 et 12 avril 2020.


Les axes de travail d’un tel festival sont multiples :
Sortir du couple hétéro comme seul modèle familial possible, se replonger dans les apports des travaux des années 70 sur l’éducation collective, voir les mesures institutionnelles qui pourraient être mises en place pour aider les mères (congés parentaux, crèches, horaires adaptés, aides sociales décentes..) Se décomplexer collectivement, exploser les injonctions qui nous étouffent, créer des solidarités inédites, envisager les solutions à apporter. 

Il s’agit aussi d’une réponse politique aux connards de la Manif pour tous. Un papa une maman c’est hier, demain va être bien plus complexe et plus marrant. 

De ce noyau qu’est la famille on peut tirer la pelote de fil dans toutes les directions : violences policières (cf. collectif des mères solidaires contre le fascisme), violences médicales et obstétriques, racisme, mother shaming, charge mentale, précarités, travail domestique et reproductif non rémunéré, luttes queer, problèmes des manque de crèches, de moyens pour les femmes seules, contraception, avortement et PMA DIY, absence et place des darons dans tout ça, ainsi que bien sur nos rapports à nos propres mères… 

On est en BZH, en sud Finistère. Very bad Mother sera le 5ème festival féministe qu’on organise. Il y a eu les 2 festivals Clitorik, le week end Bois mes règles et l’année dernière le festival anticlérical Apostazik. Ces festivals sont mixtes (sauf certains moments), notre objectif n’est pas de s’adresser à des gentes déjà convaincu-es, mais d’informer et d’éduquer des personnes de tous horizons, souvent non déconstruits. Un beau mélange de féministes, de punks, de militants anarchistes et autogestionnaires, de locaux…

On met des thématiques habituellement travaillées dans les grandes villes et/ou les milieux underground (squats…)  à la portée de toustes en Bretagne, dans des petites communes, des MJC de quartier par exemple. Les tarifs sont les plus bas possibles, on fait attention à l’accessibilité (fauteuils roulants, langue des signes….) 

Nos fêtes sont des mélanges de création artistique et de politique. 

On croit en l’humour comme puissant levier de changement, on se coltine des thématiques parfois dramatiques puis on fait la fête à donf, une sorte de catharsis générale. 

Il y a des petites formes artistiques, des ateliers DIY, des work shops, des expos, des écoutes radios, des montages videos, des discussions en petites groupes, des lectures, des moments collectifs, tables rondes, spectacles, performances, concerts. C’est un peu les festivals de la frustration en général : personne ne peut tout faire, il faut picorer à droite et à gauche.

C’est évidemment des nanas sur scène pour la programmation musicale et le djing. 
Nos fêtes sont déguisées. Imagination au pouvoir quoi !
Les invitées deviennent souvent des amies, intégrée dans la grande tribu, elles reviennent d’une édition à l’autre. 


Les premiers noms pour Very Bad Mother : 

  • la Fêlure – collectif de performeuses sur les thématiques corps et politique
  • Misungui Bordelle performeuse queer qui interviendra en tant que belle mère et éducatrice aux thématiques sexuelles
  • Morgane Merteuil, militante féministe qui parlera du travail reproductif et domestique porté par les femmes
  • Ovidie, auteure documentariste nous parlera de transmission éducative
  • Carte blanche à Genevieve Bernanos et le collectif des mères solidaires contre le fascisme qui inviteront le collectif de défense des jeunes du Mantois ainsi que les femmes en lutte 93
  • La blogueuse et dessinatrice Claire « mamantrans »  nous parlera de transparentalités
  • Juliette Rousseau féministe organisera des temps de travail sur les solidarités parentales et l’éducation collective
  • Odette Picaud plasticienne, Le collectif informel PMA DIY du sud de la France
  • Le collectif Conne Action de Brest pour la progra musicale
  • Le collectif Thomas Bouloù pour la contraception masculine
  • Le groupe facebook « Vous voulez pas un whisky d’abord ? » pour la sororité mères célibataires féministes
  • Julie L’arpente pour l’herboristerie.

Le programme n’est absolument pas clos, on est actuellement en prise de contacts divers et variés. 

Parce que la subversivité ne se situe pas seulement dans la non maternité, mais aussi dans le fait d’avoir des gamins.
Parce que que les child free, les lesbiennes, les mères célibs, les mères racisées, les parents queer, les mères précaires, les mères chaudasses, les belle-mères, les mères antifa….., bref tout le monde galère avec ces injonctions à la bonne parentalité.
Parce que élever des loupiots heureux dans ce monde de merde c’est difficile et fatiguant.
Parce que les darons sont bien trop souvent absents.
Parce qu’on a oublié les apports des travaux sur l’éducation collective.
Parce que c’est un sujet dont le féminisme doit s’emparer rapidement.
Parce qu’on va vous concocter une kermesse feministo punk de ouf, c’est promis!
Parce que c’est révolutionnaire et poétique et rock and roll…
BOUM en 2020, à Concarneau, on fait sauter la famille nucléaire et la bienpensance. 

10 thoughts on “Présentation du festival à venir « Very Bad Mother »

  1. S’il a un bac S à 16ans alors… C’est bon vous avez fait votre travail ! C’est tout ce qu’on voulait savoir. Revenez nous dire son salaire dans dix ans qu’on soit sûr que c’était du serieux.

      1. J’ai pas compris pourquoi le bac à 16ans nous faisait des êtres aboutis non plus. Elle écrit tout un texte pour dire qu’elle fait fi des conventions sociales en matière d’éducation et s’enorgueillit de pouvoir élever la future élite de la nation.

        Il y a un commentaire plus bas d’une maman dont le fils ne passe pas le bac. Quel message on renvoie à cette femme dans cet article ?
        A peu près le même que dans la société. Avec en plus : il faut être cool, militante et fêtarde.
        C’est bien, la liste des pressions sur les épaules des mamans s’agrandit.

  2. Excellent article, qui fait écho à une citation de l’actrice Laura Dern dans le long-métrage « Mariage Story » : « Les femmes lorsqu’elles divorcent se doivent d’être exemplaires dans tous les domaines, contrairement aux hommes, car dans notre système judéo-chrétien, l’image de la mère parfaite c’est Marie la vierge-mère irréprochable, à qui toutes les femmes doivent se référer, alors que l’homme a Dieu comme référent, donc rien à prouver, ni à assumer »

  3. bravo pour cet article !

    le coup du bac a 16 ans est le seul truc qui m a fait tiquer.
    mon fils j l ai eu a 20 ans, et j en ai bavé, sans aucun soutien du père, barré, et tarré
    je suis anarcho féministe et j’emmerde la reconnaissance sociale
    ma plus grande victoire ?
    mon fils est heureux ! « je crois que je suis en train de vivre les plus belles années de ma vie » dixit lui même
    il a pas son bac. depuis 1 an il a découvert les manifs et il jubile, il se sent vivre quand il entonne des chants révolutionnaires en manif. il a 20 ans
    #mamansuprafière

  4. tout à fait, le bac, ça fait du sable qui colle aux baskets et on a jamais le bon seau de toute façon!!^bravo pour ce franc parlé et ces actions, je suis avec vous! intimement-vous.fr

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