Nécessaires utopies

J’apprends ce matin en allumant la radio que, depuis 1970, près de 70 % des populations d’animaux vertébrés ont disparu de la surface de la Terre. Une « nouvelle » de plus à ajouter sur la liste des bonnes raisons de penser que le futur n’a malheureusement rien de désirable. Et si je me tourne vers mon nombril, pas de quoi se réjouir non plus. J’arrive en effet à un âge où le « futur » radote et grisonne plus qu’il ne chante et irradie ! Réjouissantes perspectives.

Et pourtant.

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Habiter l’instabilité, vivre dans les interstices du monde

À Boris Nicolle, pour l’altérité
À Coline Fournout, pour la sororité
À l’ambivalence des mondes que nous portons, pour l’instabilité


Ce texte est particulièrement dédié à tou.tes celleux qui nous ont quittés, las de vivre dans un monde qui ne les désirait pas. Nous ne vous oublions pas.

En janvier 2020, j’ai présenté une communication dans le cadre d’une journée d’étude sur les enjeux socio-politiques de la mise en visibilité des corps hors-normes1Corps normal, corps idéal ? Enjeux sociopolitiques de la mise en visibilité des corps hors-normes :  https://www.univ-rennes2.fr/calendar_rennes2/event/14567. J’en avais retracé les grandes lignes lors de ma résidence au sein de la Villa réflexive2 https://reflexivites.hypotheses.org/category/2020/03-mars-2020-lena-dormeau. L’enjeu de cette communication était d’articuler deux notions centrales dans mes recherches que sont la subalternité et la liminarité. Empruntée au philosophe Antonio Gramsci, la notion de subalternité renvoie à la simultanéité de la subordination et de la résistance chez un individu3Elle désignera par extension la subordination-résistance de groupes subalternes face au groupe dominant dans la structuration hégémonique. Le concept de liminarité, tel que je l’emploie et le re-travaille actuellement, me permet de penser ce(lleux) qui se déplace(nt). De considérer que nos corps en mouvements sont des modes d’être et que le voyage permanent est un style relationnel. Que ce qui se niche entre, au seuil, sur la crête, à la limite, aux frontières, est d’une richesse phénoménale et que nous devons en prendre soin.

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Poison Ivy ou la séduction culturelle

Déviations à partir de représentations corporelles normées

L’enfant1L’image est un portrait de l’auteur enfant, là, dans la cour des grand-parents, baigné dans le parfum des Impatientes2Je remercie Emmanuel Guy pour cette identification florale., à quoi pense-t-il ? De quoi se réjouit-il ? Je le sais, il se dit que tous les signes dont ses vêtements sont le support le transfigurent : Un élastique dans ses cheveux courts et en partie décolorés par la mère produit magiquement une grande chevelure ; Le masque connote le film Batman et Robin, réalisé par Joel Schumacher en 1997 ; Sur le T-shirt, les Spicegirls convoquent et expriment ce que l’enfant perçoit alors comme un pouvoir du féminin dont il est persuadé d’être habité. Enfin, l’élément le plus étrange peut-être : la plante grimpante, arrachée au mur de la maison, et soigneusement tissée à la surface du jean ; cette plante qui colonise le vêtement précise la nature de l’objet visé par le processus d’identification réalisé à travers la composition vestimentaire : Poison Ivy, antagoniste venimeuse et camp3Style ou humour propre aux cultures sexuelles minoritaires, le camp est caractérisé par Sam Bourcier comme “ une manière de faire face à une culture dominante hostile. Mélange d’exagération, de théâtralité, de valorisation de ce qui est habituellement rabaissé, de jeu avec les genres, l’attitude camp se retrouve aussi bien dans les films de John Waters avec Divine que dans les actions d’Act-Up.” (Sexpolitiques, Queer zone 2. La fabrique, 2005,  p. 298), de Batman et Robin, incarnée par Uma Thurman. 

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Ce qu’on m’a volé, je vous le rends

Au Dr Thomas Mauras, pour les outils de réparation
A Amélie Tehel, pour la précision
A Mélodie Faury, Yosra Ghliss et Marc Jahjah, pour la circulation
Aux dépassements qui s’amorcent, pour l’émancipation

Ce texte a pour origine une communication que j’ai présentée lors du Congrès annuel des Sciences Humaines et Sociales du Canada, à Vancouver, en juin 2019. J’y ai traité du récit de soi comme pratique d’émancipation politique des sujets de la psychiatrie, principalement à partir du texte « Can the subaltern speak ? » de la théoricienne indienne de la littérature Gayatri Chakravorty Spivak.

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Le fou, marginal naturel

Si les rencontres sont celles qui forgent ce que chacun de nous devient jour après jour, certaines plus que d’autres forment, déforment ou transforment ce que nous sommes à long terme, peut-être même à jamais. J’ai eu l’occasion de vivre un moment, des moments avec l’un de ceux qui ont délibérément choisi leur statut marginal, l’un de ceux qui ont fait de cette position en marge de la société telle que la plupart la vivent, un choix, une éthique, une esthétique de l’existence, diraient certains philosophes.

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De la sexualité avant l’Histoire de la sexualité ? Le Foucault de 1964.

La sexualité, cours donné à l’université de Clermont-Ferrand en 1964, est paru en octobre 2018 chez l’édition de Seuil. Dans ce cours, Foucault nous donne une vision panoramique des hypothèses qu’il approfondit plus tard dans les quatre volumes de l’Histoire de la sexualité. Son objectif est de comprendre la transformation de la sexualité comme un fait de la nature, comme une donnée biologique en discours. Lire la suite

Les aveux de la chair : entretien fictif avec Michel Foucault – Amirpasha Tavakkoli

Les aveux de la chair, quatrième et le dernier volume de l’Histoire de la sexualité, est paru il y a quelques mois alors que Foucault ne voulait pas de publication posthume. Apparu en dernier, ce livre est pourtant le premier volume de sa recherche considérable sur la généalogie de la sexualité. Du monde gréco-latin au XIXème siècle victorien, Foucault s’est intéressé aux différentes façons dont la sexualité a été représentée et codifiée depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne. Dans Les aveux de la chair, il s’est intéressé plus particulièrement à la morale chrétienne et son souci de dire et de comprendre la vérité du désir. Foucault critique surtout l’hypothèse selon laquelle le christianisme est considéré comme la religion des interdits moraux. L’idée de rédiger un entretien fictif nous a paru intéressante, étant donné le destin singulier de ce livre. En essayant de construire un dialogue fictif avec Foucault, nous avons essayé de relever des points les plus importants du livre sur la sexualité, l’impératif du dire-vrai, la libido et le désir. Nous avons également voulu rester le plus possible fidèle au style de Foucault dans les interviews qu’il a données au cours de la dernière décennie de sa vie.  

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