Broderie – Olga Mathey

Extrait de cahier – Mars 2016

Elle s’était éprise d’une passion pour les creux des corps des gens.
Chaque creux pourrait être le lit d’un lac artificiel.
Ce serait beau un corps qui porte des lacs elle se disait.
Ce serait même apaisant en fait.
On pourrait s’y laver, s’y abreuver.
Chaque geste serait alors plus prudent, plus conscient, pour ne pas renverser les lacs.
Où au contraire, dans la panique, la colère ou l’extase, les corps éclabousseraient l’espace de l’eau des petits lacs.
Ce tourbillon d’émotions fini, les lacs à sec se re-rempliraient doucement du fond jusqu’au bord et ça serait comme ça tout le temps.
Quand les gens feraient l’amour, ils laisseraient autour d’eux, sur les draps, sur le sol, sur les meubles, sur l’herbe fraîchement coupée, sur les murs, ils laisseraient des flaques de l’eau des lacs.
Éclaboussures fragiles et éphémères.
Les gens ne se considéreraient alors pas comme des individus mais comme des fragments, des extraits d’un grand paysage perpétuellement changeant.
Ce serait apaisant elle se disait.

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