Extrait de cahier – Mars 2016
Elle s’était éprise d’une passion pour les creux des corps des gens.
Chaque creux pourrait être le lit d’un lac artificiel.
Ce serait beau un corps qui porte des lacs elle se disait.
Ce serait même apaisant en fait.
On pourrait s’y laver, s’y abreuver.
Chaque geste serait alors plus prudent, plus conscient, pour ne pas renverser les lacs.
Où au contraire, dans la panique, la colère ou l’extase, les corps éclabousseraient l’espace de l’eau des petits lacs.
Ce tourbillon d’émotions fini, les lacs à sec se re-rempliraient doucement du fond jusqu’au bord et ça serait comme ça tout le temps.
Quand les gens feraient l’amour, ils laisseraient autour d’eux, sur les draps, sur le sol, sur les meubles, sur l’herbe fraîchement coupée, sur les murs, ils laisseraient des flaques de l’eau des lacs.
Éclaboussures fragiles et éphémères.
Les gens ne se considéreraient alors pas comme des individus mais comme des fragments, des extraits d’un grand paysage perpétuellement changeant.
Ce serait apaisant elle se disait.
Olga Mathey est née à Toulouse en 1990 et s’installe à Bruxelles en 2008. Depuis toujours, elle aime se balader la chair au vent et creuser dans la terre à mains nues.
Son travail est axé autour de l’érotisme, du rituel, du sacré. Il s’inscrit entre poésie et malaise, entre pieux et païen.
Il interroge la dualité. Masculin/féminin, attirant/repoussant, naïf/obscène.
Sous des airs délicats et distingués, il se révèle terreux – tumultueux – instinctif – viscéral.
Il craque – grogne – crie – jouit sans vergogne et sans détours pour faire rougir le silence.
Il parle de ce qui se passe à l’intérieur, dans nos paysages anatomiques, dans nos fluides, dans tout ce que l’on ne peut comprendre ou diriger (dieu merci).
Olga aime l’accident, l’imparfait, l’inattendu ce qui explique sa nécessité de broder à vif sans au préalable dessiner sur le tissu, et son goût pour la performance.
Une échappée d’un an au sud du Mexique en 2013 a confirmé son goût pour les rituels, les femmes fortes et les catcheurs. Pour l’autodérision aussi et le plaisir de rire de tout.