dans la petite commune de kitsch
j’étais bazardée
là où des soleils de sang flottent en l’air grâce à
l’hélium
j’avais un cloître rien qu’à moi
où je siliconais mes peurs
c’était facile
j’enfermais l’angoisse dans du plastique
et n’avais qu’à tourner le dos aux monstres
qui surgissaient
ma barbie c’était ma mère
ou ma mère c’était ma barbie
je sais plus
j’avais qu’un œil
elle s’enfuyait dans sa voiture rose
pétarade de bulles et d’étoiles
elle roulait pendant des heures sur la lune
à vive allure
sans jamais tomber dans le fossé
/c’était une femme d’actions troubles
incomprise
mais héroïne de ce genre de fuite spectaculaire avec les décapotables qu’elle
garait sous mon lit/
je l’attendais la veilleuse à l’air
la trottinette dans l’escalier
après avoir séduit des fourmis pour qu’elles
m’élisent maîtresse de la Chine
quand Barbie rentrait j’avais troué les murs
c’était tant pis
elle était encore saoule d’adrénaline
d’avoir fui au cosmos prochain
parfois j’avais comme des vagues sous les
cernes alors je prenais Barbie
mes trous
et mes soleils
pour une photo de famille
CLIC
nous étions souvent au lit pour ne pas tomber
trois dents encore n’avaient pas crié gare
toutes pourpres
des cadavres dans mes mains
/je les offrirais à quelqu’un qui m’aime
pour qui je couperais mes cheveux
pour qui je laverais mes doigts
qui les mettra dans une petite boîte avec mon
prénom je serai un petit bout mort dans une
boîte pour quelqu’un qui m’aime/
le dimanche
j’attachais le lait au chat
qui le déversait sur les fleurs
parfois tout le bruit de la maison était tellement
vide j’entendais l’écho des souris mortes
qui montent au ciel
dans mes carnets d’école griffonnés :
le ciel est mauve
une étoile la nuit est apparue
pour chaque personne
qui a quitté la Terre
gamine à mégots
à ma bouche
tout ce qui pourra me rendre plus
grande : lèvres
rouge
cendres
à l’école je murmurais des orages
dans les oreilles de la maîtresse
slurp bang
slurp bang
la nuit j’élaborais des comètes
des moyens de transport
pour rejoindre les morts
vers les animaux éclatants
des livres d’astronomie
Illustration : Catherine Lapeyre
Miel est poète et comédienne et propose de nombreuses lectures. Elle aime à cultiver l’idée d’une poésie pop, perméable et qui peut survenir partout, même là où on ne l’attend pas. Ses thèmes de prédilections sont le corps, l’amour queer et toutes sortes de limites.
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