Fiction historique : Procès-verbal d’arrestation d’un ecclésiastique sodomite au XVIIIe siècle – Myriam Deniel-Ternant

La brune 1Les rencontres masculines se font à la faveur de la pénombre, souvent peu de temps avant la fermeture du jardin, sur un horaire variable en fonction de la saison. Bibliothèque nationale de France (désormais BnF). Arsenal. Ms. 10 255. 17 juillet 1724 : « lorsque la brune seroit venu. » Le garde Federici, chargé de la surveillance des Champs Élysées à la fin du siècle confirme cette tendance entre chiens et loups, lorsqu’il écrit que « vers la brune, on trouve souvent de ces rôdeurs débauchés » (Federici Ferdinand, Flagrants Délits sur les Champs Élysées. Les dossiers de police du gardien Federici (1777-1791), présenté par Farge Arlette, Paris, Mercure de France, 2008, rapport du 30 mars au 6 avril 1778, p. 64). est venue et le jardin2Les jardins publics tels que le Luxembourg ou les Tuileries sont des espaces de racolage privilégiés, tant pour les hommes que les femmes car la police ne peut pas y effectuer d’arrestation (Pastorello Thierry, Sodome à Paris fin xviiie siècle-milieu xixe siècle, Grâne, Créaphis éditions, 2011, p. 61). Ils constituent des lieux de séduction privilégiés jusqu’en province (Bologne Jean-Claude, L’Invention de la drague. Une histoire de la conquête amoureuse, Paris, Seuil, 2010, p. 210). va bientôt fermer ses grilles. Les allées se vident des promeneurs3Sur la pratique de la promenade urbaine, champêtre ou méditative dans la France d’Ancien Régime, voir Dautresme Olivier, « La promenade, un loisir urbain universel ? L’exemple du Palais-Royal à Paris à la fin du xviiie siècle », in Histoire urbaine, n° 3, 2001/1, p. 83-102. venus profiter de la fraîcheur des arbres en cette fin d’été. Près des bosquets4BnF. Arsenal. Ms. 10 256. 11 février 1725 : « Le dit abbé se promenant sur les six heures du soir dans une des allées qui est aux environs des bosquets, y regardant avec affectation ceux qui passoient à costé de luy […]. », un quidam en habit ecclésiastique5Dans cette culture des apparences, le vêtement est un marqueur social (Roche Daniel, La Culture des apparences. Une histoire du vêtement. xviiexviiie siècles, Paris, Seuil, Points, 1991). Le port du vêtement ecclésiastique est une injonction officielle du concile de Trente, qui expose le contrevenant à la perte de son privilège clérical (Ferrière (de) Claude-Joseph, Dictionnaire de droit et de pratique contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnances, de coutumes et de pratique, avec les jurisdictions de France, 1755 (1e éd. 1740), t. 1, art. « Habits ecclésiastiques », p. 1021-1022). Voir également Cottret Monique et Delumeau Jean, Le Catholicisme entre Luther et Voltaire, Paris, Presses universitaires de France, 1996 (1e éd. 1971), p. 354. Le port de la soutane est ainsi obligatoire, l’habit long dans l’exercice de ses fonctions, l’habit court pour les tenues de voyage. À la soutane de couleur sombre doit s’ajouter le rabat et éventuellement un manteau, également de couleur sombre. semble pourtant vouloir prolonger ses rêveries mélomanes. Lire la suite