Poème à M.

M.
Je pars de chez toi et je ne claque pas la porte. Je te rends les clés je les mets sous le laurier rose à coté du paillasson comme convenu.

Tu sais, j’étais venue t’exploiter. Prendre. Rien donner laisser le blanc bourgeois eldorado envahir mon drapeau est une charpie de chiffon émiettée tu m’as dit
« Va-t-en ! Bon vent ! » Et tu as bien fait. C’était bien fait. Pour moi.


M.
Je pars de chez toi. On ne s’aime pas.

Crue abandonnée meurtrie. Violente et dysfonctionnante. Cuite.
Tu es comme tu es je suis comme je suis.
À devenir autre chose que toi même tu t’opposes fermement et je t’en veux
soumettre ou conquérir illusion au bout des mains
tu résistes
moi aussi.

À ta lumière exceptionnelle et hypnotique je plie. J’avoue je plie. Je me mets à vivre dans les plis, dans le plis aussi des applis pour train. Je vis dans les trains en aller retour. Je reviens. Je ne dors plus chez toi et je reviens.

À tes mensonges je résiste, à ton faux cool complètement mytho je résiste, à tes nuits vagues, à ceux qui te bradent et te liquident comme terre promise je résiste. L’irrésistible couleur de ton ciel n’a jamais rien endormi. Aucune lumière ne m’aveugle plus. Je ne m’endors plus. Le jour est tous les jours et toutes les nuits. L’oeil reste allumé. H24 allumé. Tu n’es pas cool pas du tout et moi non plus pas du tout.

Et à chaque retour l’oeil ouvert me gratte et me demande si l’on n’a pas construit un château de cartes à côté d’une porte ouverte.
Oeil-ouvert-porte-ouverte vers ce qui ressemble de mieux en mieux au fossé entre ce qui se dit et ce qui se vit ce qu’on dit et ce qu’on fait ce qu’on vit et ceux qu’on tait ce qu’on fait quand on ment.

Je pars de chez toi je ne claque pas la porte je te rends les clés sous laurier rose à côté paillasson / comme convenu.


M.
Néanmoins je veux te dire une chose que j’aimerais que tu prennes comme un merci : si tu n’avais pas été là telle que je t’ai d’abord fantasmée, si tu n’avais pas été cette autre rive ce monde d’à côté invisible depuis mes racines en pierres, l’autre univers à l’autre bout inconnu plein de caractère fâché, si je n’avais pas pris ce 1er train pour te trouver, débarqué le crâne en broussailles emmêlé d’espoir mélangé de fuite en désordre malade jamais je n’aurais pu faire tout ce que j’ai défait. J’ai pris forme humaine, j’ai pris forme et contours surtout contours chez toi.
Tu auras été celle qui me sépare pour de bon celle qui me rapproche pour de bon. Dans ton quartier je trouve B et je l’aime et on s’aime. Merci. Du coeur merci.
La maison de ma reconstruction c’est chez toi que je l’ai fabriquée. Pierre par pierre
fabriquée. Lambeau par lambeau arraché. Tu as été la forêt de ma lente métamorphose de
limace à sujet – mon lieu de passage dans l’obscurité dans les déserts dans les enfers où l’on perd à mon rythme.
La vue, la vie, le sens, les liens qui sont des laisses pour chien, mes diamants troquées pour tas de cendre. Perdu perdu et c’est tant mieux.

De l’objet au sujet il y a toi M. Merci


M.
Sans claquer la porte sur le pallier je te laisse mon ancienne moi. N’en prends pas soin –
laisse-la ! Au mistral ou dans le tram – laisse-là ! Elle est derrière, elle n’est plus là. Perdu
c’est perdu putain et c’est tant mieux.
Je te laisse les peaux les larmes et la souffrance de la lucidité chèrement payée. Je te laisse mes peaux, mes larmes et ma boue. Je te laisse boue, graviers et perspectives tordues. Voyage retour d’aller retour Ulysse 21, 6 ans pour 3 déménagements voyage en train.
J’emporte B, ta violence tes mythos ton ciel ton urticaire.
Œil pour œil.
Je garde ma colère tu gardes ta colère. Comme convenu.

sous clé laurier / rose paillasson

Deux incurables, c’est à dire s’aimer c’est s’engueuler toute la journée. Tu me fatigues tant. Ça n’est pas triste c’était juste épuisant.
Je pars et tu compteras pour de bon et on ne s’aime toujours pas et puis je m’y fais.

Marseille j’me barre
Du 13 au 93 j’me barre
Marseille on s’aime mal
j’me barre bien
J’me marre.

Du 93 au 13 au 93
J’en reviens
Pas
Je reviens.
À tous les récits mensongers
À toutes les contorsions
mes désillusions, les arrangements visibles, invisibles et dégoûtants
À tous mes espoirs transformés
les comparaisons aberrantes
À ma féroce et digne associabilité
mon anxiété incompatible
mes refus ma résistance toujours répétées
À tous tes mecs bourrés terrorisants
À tous les bons plans jamais venus
À toutes les promesses jamais tenues
les amis pas trouvés
les soirées pas trouvées
la place pas trouvée
À tous les groupes soudés
tes pilleurs, tes rats et tes gabians
À l’inertie, au huis clos amnésique
les dénis violents
À tes grèves de poubelle – fascination
l’honnêteté du tas d’ordures
À la laideur de la lâcheté

Marseille on s’aime mal
j’me barre bien
J’me marre
Du 93 au 13 au 93

J’en reviens
Pas
Je reviens.

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